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LE GLOSSAIRE

00 - A PROPOS

Les thèmes de ce glossaire ont été établis pour accompagner une méthode d’implication, à l'apprentissage de l'architecture.  Ces thèmes sont indiqués pour nous aider à porter attention à nos sensations, à les repérer et nous repérer en elles, de la même manière que des repères sont nécessaires pour se diriger dans l'espace.  Etant aussi incitations à expériences sensibles, ils apportent la possibilité par leur enchaînement d'en susciter de nouvelles. Regroupant nos sensations en tant que centre de gravitation et indications de direction, ils se chargent progressivement d'un contenu sensible qui enrichit leur signification et les relie aux autres.  Ils deviennent ainsi établissement de vocabulaire dont les termes se comprennent et s'approfondissent pour tous selon la même acception, réel outil de communication et de travail. Ils doivent permettre en outre de développer la possibilité de coordonner notre sensibilité et notre pensée, coordination indispensable à toute activité créatrice.

01 - PREAMBULE

Les thèmes de ce glossaire ont été établis pour accompagner une méthode d’implication, à l'apprentissage de l'architecture. Ces thèmes sont indiqués pour nous aider à porter attention à nos sensations, à les repérer et nous repérer en elles, de la même manière que des repères sont nécessaires pour se diriger dans l'espace. Etant aussi incitations à expériences sensibles, ils apportent la possibilité par leur enchaînement d'en susciter de nouvelles. Regroupant nos sensations en tant que centre de gravitation et indications de direction, ils se chargent progressivement d'un contenu sensible qui enrichit leur signification et les relie aux autres. Ils deviennent ainsi établissement de vocabulaire dont les termes se comprennent et s'approfondissent pour tous selon la même acception, réel outil de communication et de travail. Ils doivent permettre en outre de développer la possibilité de coordonner notre sensibilité et notre pensée, coordination indispensable à toute activité créatrice.

02 - AVERTISSEMENT ou LA LOI DU MAL DE TETE

En supposant que nous n'ayons jamais éprouvé de mal de tête, quelqu'un aurait tenté de nous expliquer ce qu'il ressent et cela à l'aide de tous les moyens possibles -médicaux, sensitifs, chimiques, gestuels…- que nous ne saurions pas pour autant ce qu'est le "mal de tête". Mais l'avons-nous éprouvé une seule fois, que nous comprenons instantanément de quoi il s'agit (sans néanmoins en pouvoir jauger l'intensité). Tous nos rapports avec les choses, les êtres et, particulièrement, nos semblables sont inéluctablement de cette nature. Sur nos seules sensations se fondent la réalité de notre communication et de notre action, qui dépendront donc inévitablement de l'intensité et de la qualité de notre sensibilité. Sensibilité qui est, dans son ensemble, presque toujours sous développée, voire atrophiée par le dressage éducatif socioculturel, lié à l'ambiance de vie de la plupart de nos civilisations. La développer et la rééduquer implique de diriger l'attention sur nos perceptions, sur la manière dont celles-ci se produisent, se filtrent et s'associent, et sur les conséquences qui en découlent. L'attention se manifeste par la résonance, l'aimantation et la synchronisation de ce que nous avons déjà ressenti et accumulé en nous avec ce que nous percevons instantanément comme potentiel de nouveauté. Tout développement de la sensibilité s'induit donc à partir de la somme des données senties, inscrites dans notre mémoire. Un enfant est d'abord perceptif avant de devenir attentif. Et cette somme, qui ne représente qu'une infime partie de toutes les impressions reçues depuis notre naissance, ne s'augmente que dans la mesure où continue à s'intensifier et à s'affiner notre sensibilité. Il est, de toute évidence, improductif de lire ce glossaire, instrument de travail, de la manière habituelle, c'est-à-dire en ne prenant dans la lecture que ce que nous savons déjà, changeant seulement la formulation de ce que nous avons déjà formulé, associant une formulation à d'autres, multipliant ainsi l'encombrement mnémonique de notre mentalité sur le sujet, excluant ou oubliant systématiquement les autres notions lues précédemment et en se laissant porter par la linéarité d’un apparent enchaînement. Il est parfaitement vain, sans la base indispensable de "l'expérimentation sensible", de réfléchir et d'intellectualiser à partir de ces thèmes, ce qui ne pourrait produire comme résultat, dans le meilleur des cas, qu'un sensible et chronique "mal de tête".

03 - LA RÈGLE DE LA NAGE - Corollaire de la loi du mal de tête

Cette règle s'énonce ainsi : "Pour nager il faut se jeter à l'eau" Nous aurons beau connaître les mouvements de la nage, ce n'est que dans l'eau que nous pourrons les expérimenter et qu'ainsi ils deviendront utiles. "L'expérimentation sensible" implique, de par la règle de la nage, que nous nous projetions au cœur de l'espace et à la charnière du temps, c'est-à-dire dans la constance présente. Ainsi peut se développer par imprégnation une "dynamique mnémonique sensible", naturelle, analogue à la nécessité de la répétition des mouvements de la nage.

04 - LA RÉFÉRENCE POÉTIQUE

Nos perceptions sensibles sont rarement réelles, car elles nous parviennent à travers les filtres déformants de la pensée, des idées et sentiments reçus, et des attitudes apprises, dont l'ensemble constitue notre "conformisme culturel", d’où découlent aléatoirement nos interprétations cognitives. Seules certaines séquences naturelles, de particulière intensité, restent pour nous dans l'évidence de la "justesse" et "l'intransigeance de la beauté". Tels l'aube et l'aurore, le soleil couchant et le crépuscule… ; la parfaite adéquation du mouvement de l'animal : l'envol de l'oiseau ou la course de la biche... ; la chaleur maternelle, la douceur d'une peau, d'une fourrure, d'un velours… ; le silence du soir, le son permanent et pourtant si divers de la cascade, le chant de l'oiseau, le bruissement de l'arbre... ; le scintillement de l'étoile, le reflet de la lune, la pureté cristalline de la goutte de rosée ou de la larme... ; le parfum toujours nouveau de la fleur... ; la saveur d'une eau de source... ; la vivacité du bourgeon..., par le fait qu'ils conservent la simplicité d'une part d'Universel, demeurent "les sûres analogies" du poète en ce qu'elles sont pour nous les seules références directes de notre sensibilité. C'est éminemment en revenant vers elles que nous pouvons fonder notre "vrai" développement et épanouissement sensible. L'homme sans espace ne peut être, et sans sa perception, l'espace n'est pas. La réalité de l'homme est l'espace se percevant dans le "moment" de l'individualité, cycle de rappel, logique de maintenance. L'espace ne peut se concevoir qu’évidemment comme la possibilité que tout point soit centre. L'espace est le pouvoir immanent que tout point soit centre, centre d'absorption centre d'émanation au sein de l’inexorablement éternel mouvement.

05 - HOMME, CENTRE DE PERCEPTION DE L'ESPACE

La conscience de l'espace est "en être le centre" ; Je ne peux percevoir l'espace autrement qu'en en étant centre, et me perçois comme tel, le percevant. Cette perception s’exprime comme portée de notre corps, qui la détermine de la manière dont il est structuré, physiologiquement et sensiblement. Il semble donc utile d'en rappeler succinctement les différentes composantes.

06 - STRUCTURES DU CORPS

Trois parties constituantes, indispensables, reliées par deux ensembles vertébral et musculaire, et deux groupes de membres rattachés à deux de ces parties, soit : A - Du bas vers le haut : • L'abdomen, auquel s'articulent les jambes, relié par la taille au torse porteur de bras, lui-même relié par le cou à la tête. • Chaque membre est aussi structuré à l'identique. Ainsi pour le bras, la main représente la tête, le poignet le cou, l'avant-bras le torse, le coude la taille, et l'arrière bras le ventre; et de même pour la jambe. - L'abdomen est plus particulièrement lieu de transformation vivace par la digestion et la reproduction. - Le torse, principal lieu d'échange et d'origine des pulsions et des pulsations respiratoires et cardiaques. - La tête, partie plus spécifique de réception, de connexion, de relation et de distribution. B - De l'intérieur vers l'extérieur : • L'ensemble viscéral, à tendance dissymétrique ou à symétrie compensée. • Le système glandulaire, pour partie symétrique. • La charpente osseuse articulée, symétrique. • Un complexe musculaire, symétrique. • Une enveloppe épidermique, symétrique. Ces trois dernières se dissymétrisent dans le mouvement et obéissent à des symétries dynamiques d'alternance et de compensation tant que, corporellement, l'équilibre gravitationnel est maintenu. L'articulation justifie le membre ou la partie de membre lui offrant sa raison d'être. Elle est donc l'élément essentiel et le "mouvement" apparaît comme déterminant notre structure.

07 - GESTE ET DÉPLACEMENT

La possibilité de mouvement dont nous sommes doués est de deux natures distinctes ; l'une correspond à nos mouvements de "déplacement", l'autre à nos mouvements "gestuels". Déplacement et geste sont essentiellement différents tant par l'emploi musculaire que par leur finalité et leur nécessité sensible. Ainsi le déplacement concerne plus particulièrement les membres inférieurs et le geste les membres supérieurs. Néanmoins, ils sont générés tous les deux, intentionnellement, par un acte projectif d'allégement, en l'atténuation de la sensation de poids. Particulièrement dans l'expression gestuelle, le mouvement apparaît comme a-pesant, et par cela d’autant expressif.

08 - SPATIALITÉS CORPORELLES ET CORPORALITÉS SPATIALES

Les trois parties constituantes du corps - l'abdomen, le torse et la tête - ont la particularité d'être orientées, définissant de ce fait notre tangentialité à la terre, gravitation sensible et comportementale qui nous définit en une face (frontalité), un dos (dorsalité), et deux côtés (latéralités), structures de notre "spatialité corporelle" quant à notre sensibilité et de notre "corporalité spatiale" quant à notre comportement. La "frontalité" est manifeste de direction, d'ouverture et de dynamisme par la projection et l'aspiration et implique la décision et l'affirmation. Les "latéralités" sont manifestes d'équilibre et impliquent la puissance. La dorsalité est manifeste d'appui et implique l'assurance (en tant que confirmation du retour de projection). Les éléments d'un contexte spatial agissent sur notre frontalité, nos latéralités et notre dorsalité, soit en les inhibant par compression, soit en les exaltant par expansion ou extension, soit en les confortant par appui. Ainsi par exemple la vastitude est l'exaltation frontale à l'inverse de l'exiguïté. Un épaulement placé légèrement en arrière conforte nos latéralités et produit au contraire sur elles un effet de compression lorsqu'il se trouve à notre niveau ou légèrement en avant ; une masse derrière nous, protégeant la dorsalité, renforce notre assurance, contrairement à un vide.

09 - LES SENSORIALITÉS ou LES SEPT SENS

S'il y a perception de l'espace, il y a espace perçu et espace se percevant, par le fait que toute perception de l'espace est retour à l'espace. Chaque mode de perception en représente une spécificité qualitative. En ce sens, cette qualité de l'espace et l'organe de perception y correspondant, nous apparaissent comme une seule et même chose, en deux pôles indispensables d'un même phénomène, dans une diffusion, et une concentration. De fait, le son et l'oreille, l’œil et la lumière... sont indissociables : sans œil, pas de lumière, et pas d’œil sans lumière, sans oreille, pas de son et sans son, pas d'ouïe. Ainsi se génère l'espace. Les modes de perception ou sensorialité se définissent selon leur globalité d'appréhension comme le mouvement, la thermicité, la tactilité, l'ouïe, la vue, l'odorat et le goût, en tant qu'adjectifs de l'espace. "LE MOUVEMENT" La caractéristique primordiale de notre perception de l'espace est notre mobilité, sans laquelle il nous apparaîtrait de manière fort différente, sans doute extrêmement restreint, sans direction et non successif, par conséquent sans nécessité de trace, ni donc de mémoire indicative. Notre mouvement conditionnant ainsi toutes nos capacités perceptives représente en lui-même notre principal mode d'appréhension de l'espace, notre plus globale "sensorialité". "LE THERMIQUE" L'appréhension thermique étant perçue par la totalité de notre corps, avec des zones d'intensité variables, représente notre deuxième appréhension spatiale dans la hiérarchie de globalité sensorielle. "LE TACTILE" La tactilité perçue par presque toute la surface de notre épiderme est notre troisième mode perceptif et manifeste de la proximité. "L'AUDITIF" L'ouïe, en est notre quatrième, par une réception quasi omnidirectionnelle des sons, dont elle précise la provenance et l'éloignement. "LE VISUEL" La vue nous offre un faisceau réceptif beaucoup plus limité et surtout très dirigé avec la plus grande appréhension de la distance. "L'OLFACTIF" L'odorat lui-même, très dirigé, mais limité à une certaine promiscuité, est notre sixième sensorialité. "LE GUSTATIF" Enfin le goût, perception d'intériorité, par l'intimité qu'il structure, centralise notre sensibilité en la ponctualisant. Chaque sensorialité ou mode de perception est un caractère spatial actif, un potentiel de l'espace. Nous pouvons alors parler de : - l'espace mouvement comme potentiel de ramification et de gravitation et conséquemment de trajet; - l'espace thermique comme potentiel d'insertion et conséquemment de situation; - l'espace tactile comme potentiel d'altérité et conséquemment de masse; - l'espace auditif comme potentiel de profondeur et conséquemment de diffusion; - l'espace visuel comme potentiel de direction et conséquemment de distanciation et délimitation; - l'espace olfactif comme potentiel d'émanation et conséquemment de caractérisation et de sélection; - l'espace gustatif comme potentiel de centralisation et conséquemment d'incorporation et d'appropriation entraînant l'attirance et l'aimantation, l'adhésion ou la répulsion. Ces potentiels se définissent en champs de proximité et d'éloignement, dont la frontière s'établit spécifiquement en chaque sensorialité. Chacune de ces sensorialités résonne naturellement dans les autres : ainsi peut-on parler d'un toucher de l'ouïe dans l'appréhension du timbre...., d'une thermicité de la vue dans la perception des couleurs... Ces sept modes d'appréhension de l'espace (topo-esthésiques) en définissent les particularités nous définissant nous-mêmes. L'espace, pour être vécu dans sa plénitude, implique la mise en présence et en cohérence, voire en résonance, de ces sept sensorialités. Or il est rare que la perception d'un lieu ou d'un événement concerne plus que deux de nos sens. Ce fait dénote notre incapacité à sentir l'espace et à vivre sa réalité ainsi que la nôtre, d'où nos difficultés de comportement et de bien-être (celles-ci, par voie de conséquence, sont constamment accrues par nos interventions insensées sur les composantes de notre environnement). Par l'indéniable interrelation entre nous et l'espace, nos sens structurent l'espace et l'espace est notre structure. Nos sens apparaissent ainsi comme le spectre de la relation, de la réalité donc. L'espace se définit comme la possibilité de se percevoir et, par ce, de se projeter en lui-même ; il apparaît de ce fait que cette perception, outre sa réceptivité, implique primordialement une activité d'émission. Ainsi chacune des sensorialités doit être comprise comme émettrice et réceptrice, et chaque sens peut s'entendre comme lieu, charnière, point d'équilibre et de symétrie entre une émission et une réception. C'est en fonction de cela que chaque sens à la fois relie et sépare. Il sépare en définissant, particularisant, et individualisant, en situant et centralisant, il relie par l'établissement même de ce rapport, en la mise en exergue de l'intervalle qu'il remplit, lui donnant substance contenante, transmutant parfois l'intervalle en calage, stipulant de la connaissance. Ce double aspect est comme une sorte d'aller-retour en pulsation, projection vers et retour à soi (cycle d'involution et d'évolution). En ce retour les sens sont générateurs d'exigences : - le mouvement exige l'adresse, la justesse - le thermique exige la rigueur - le tactile, la délicatesse - l'auditif, la pertinence et la prestance - le visuel, la précision, la lucidité et la distinction - l'olfactif, la perspicacité - le gustatif, la dignité et l'intégrité.

10 - CONFORT SPATIAL

La conjonction de notre sensibilité et de notre comportement que nous manifestons selon nos structures corporelles, amène à la recherche constante de confort spatial, adéquation qui dépend de notre situation dans un lieu et du lieu lui-même. Le confort spatial se produit soit en un confort de jouissance, "gestuel", incitant à une relative immobilité ou au stationnement dans la recherche d'un point de bien-être, soit en un confort de finalité dans le "déplacement" ou "l'activité d'utilisation" en quête d'économie et d'efficacité. "POINT DE BIEN-ÊTRE" La définition sensible du point de bien-être est indispensable à l'analyse et à la lecture de tout site puisqu'il en est le lieu d'appréciation le plus intense. Celle-ci embrasse diverses amplitudes sensibles telles que l'endroit, le lieu, le site, le paysage,..., et diverses contenances telles que la zone, la région, la contrée. Au sein de ces amplitudes sensibles se comprennent : - l'endroit comme positif caractéristique d'un lieu - le lieu comme potentiel d'appropriation - le site comme ensemble de rapports - le paysage comme ambiance globalisante Le point de bien-être, dans son confortement, est particulièrement stimulant du lieu. Au sein de ces amplitudes et contenances, toute appréciation de l'espace et toute recherche de confort se produit essentiellement selon quatre données sensibles, séquentielles de l'espace.

11 - LES SÉQUENCES DE L'ESPACE

Les séquences de l'espace se déterminent en : l'ancrage, l'accrochage, les étapes et la fuite, qui représentent des "qualités de besoins" et de "nécessaires repères". L'ANCRAGE est l'appréhension de la masse, du poids et de la matière dans sa densité, appréhension qui passe par la sensation du poids de notre corps, et induit la recherche de stabilité et d'appui. Pour une position immobile, l'ancrage est plus généralement ressenti dorsalement, alors que dans le déplacement, sa perception a tendance à devenir plus latérale, en épaulement. L'ACCROCHAGE est l'ensemble des sensations latérales et frontales de proximité, de première accessibilité, support de notre "geste", déterminant en ses extrémités la première limite (premier plan des photographes et des peintres), référence d'appréciation de l'éloignement. Cette limite définit, outre une accessibilité immédiate, notre espace d'ubiquité sensible. L'accrochage se relie fréquemment à l'appréhension de la forme. LES ÉTAPES ressenties frontalement et latéralement sont les perceptions successives des accessibilités potentielles et virtuelles, impressions de distance permettant nos déplacements et nos "projections spatiales". En effet, les étapes se divisent essentiellement en deux catégories : celles se référant principalement à notre déplacement et concernant des éloignements nous restant accessibles, et celles d'inaccessibilité se référant à notre gestualité. Entraînant vers le lointain, elles nous apportent l'estimation quantitative et qualitative des distances et les notions de "grandeur", de "mesure". Le "rythme" est établissement d'étapes. Et la dernière étape avant la fuite est manifeste de l'abstraction, vecteur à la fois d'ultime résistance et de prémonition. LA FUITE vers laquelle nous amène les étapes est l'appréhension du plus grand éloignement, de l'extrême "inaccessible", ou plus précisément d'un point au-delà de l'inaccessible. Ainsi par exemple, la fuite visuelle uniquement perçue frontalement est direction et nous oriente. Et elle se détermine par une ligne qui se focalise, rendant ponctuel l'extrême lointain ouvrant sur l'au-delà, point d'inversion d'un fini vers un infini ou point d'absorption rendant indéfini le défini. La fuite auditive, le silence, concerne plus les latéralités dans une amplitude double à la fois de grand éloignement absorbant tout son et d’extrême proximité. Et la musique se structure pareillement.

12 - MÉTRIQUE HARMONIE RYTHME MÉLODIE

La mélodie est direction, travail de la fuite ; Le rythme est soutenance de direction et soutenance des étapes ; L’harmonie est accord et travail d’accrochage ; La métrique est support et en ce sens travail de partition de l’ancrage. Le mouvement et le tempo résulteront de l’ensemble ; Musique et architecture sont une ; L’architecture se doit d’être musique de l’espace Et la musique, architecture du temps. Leur vocabulaire est précisément commun.

13 - L'ABSORPTION DE L'ESPACE

La fuite manifeste la direction et représente aussi l'absorption maximum de l'espace. En effet, l'espace tend constamment à re-concentrer les choses en un point (point de fuite de la perspective) et à les y absorber. C'est ainsi que l'éloignement rétrécit, rapetisse, et par cela se ressent et se mesure. Si l'espace apporte la possibilité de distance et de lointain, ce n'est donc qu'en fonction de ses capacités d'absorption, elles-mêmes étant une particularité de son action de présence englobante. Celles-ci se manifestant toujours ponctuellement, toute perception spatiale est corollaire d'un point d'absorption sensible ou virtuel, puisque toute appréhension de l'espace est dirigée. Le point de fuite se comprend comme l'ultime trace d'absorption. Et en fait, il est possible de considérer que tout point est manifeste de cette absorption et se situe de cette manière, et que tout horizon se définit ainsi, en tant qu’infinité possible de points d’absorption. Si l’espace absorbe dans l’éloignement, il restitue dans l’approche par le mouvement qu’il offre, celui-ci étant reconstituant d’espace. Le temps absorbe mais ne restitue pas, et, la compensation à cela se trouve uniquement dans la trace et la mémoire dont l’existence et la tangibilité ne peuvent qu’ainsi se justifier et justifier leurs supports : les choses et les êtres. Que l’espace restitue, est la preuve de sa fonction principielle de régénération. L’absorption irrémédiable du temps, son sans-retour fait donc de l’univers une nécessité d’espace en tant que devenir et souvenir. C’est ainsi que spatialement un point peut être considéré comme la section d’une droite, (section comprise en tant que montrance d’absorption) ; une droite, la section d’un plan, un plan la section d’un volume, un volume apparaît alors comme la section d’un espace, un espace, une section réelle d’absorption (c’est en cela que réside la profondeur). Une section d’absorption ne peut être que secteur infinitif de génération en tant que potentiel parcours, et ce dernier, vecteur de l’être dans la maintenance de programme, en la nécessité liée du mouvement et de la mémoire.

14 - INFINI DE MASSE ET INFINI D’ESPACE

Situés entre la masse où nous prenons notre ancrage et l’espace où nous trouvons la fuite, nous nous référons à eux dans un rapport à l’infini par la sensation de masse infinie de la terre et l’appréhension d’infini de l’espace. La sensation d’infini nous est un besoin vital, incantation d’épanouissement et de devenir, premier repère de la relation, première référence de la réalité. Ainsi, l’ancrage et la fuite nous relie aux "infinis", alors que l’accrochage et les étapes nous font vivre le "défini". Ces séquences déterminent, dans leur relation d’importance et d’intensité, les qualité de confort d’un espace, et donc, les possibilités d’appropriation de cet espace. Par exemple, un espace incitant l’agoraphobie se définit comme un espace où l’ancrage et l’accrochage seront inexistants, les étapes et la fuite prédominantes. Inversement, un espace incitant à la claustrophobie sera un espace qui manque notoirement d’étapes et de fuite. Prise en tant que repère les séquences de l’espace donne la possibilité d’un côté, d’avoir une "lecture sensible" et "organique" de l’espace et d’un autre côté, d’en concevoir et d’en ajuster les aménagements. Ainsi, l’architecte peut agir par le jeu de renforcement ou d’atténuation sur les qualités ressenties d’un espace et déterminer des comportements. Par exemple, pour faire dominer un sentiment de calme dans un lieu, on renforcera l’ancrage et la fuite, pour inciter au dynamisme, on accentuera l’accrochage et les étapes. La recherche de l’établissement d’un confort pour une durée nous amène à l’appropriation de l’espace.

15 - SPATIALITÉ RÉCEPTIVE ET SPATIALITÉ PROJECTIVE

Bien que l’impression de confort et la possibilité d’appropriation de l’espace apparaissent très liées, elles représentent cependant deux phénomènes différents et pouvant se produire indépendamment. La notion de confort immédiat s’applique à notre "spatialité réceptive" et l’appropriation à notre "spatialité projective". Par exemple, le phénomène de somnolence apparaît comme une spatialité réceptive atténuée, coupée de toute projection spatiale. Nous pouvons ressentir notre spatialité réceptive comme une sorte d’ubiquité que l’on ne peut guère étendre mais que l’on peut rétrécir, par exemple à cause d’une grande promiscuité, d’une douleur ou simplement dans le fait de s’endormir. Au-delà de notre espace réceptif se détermine notre espace projectif, et le passage de l’un à l’autre se fait en une sensation d’allégement ; projection d’allégement. Le phénomène de projection est très bien évoqué par Martin HEIDEGGER dans Essai et Conférence : "… nous nous déplaçons toujours à travers les espaces de telle façon que nous nous y tenons déjà dans toute leur extension, en séjournant constamment auprès des lieux et des choses proches ou éloignés. Si je me dirige vers la sortie de cette salle, j’y suis déjà et ne pourrais aucunement y aller s’y je n’étais pas ainsi fait que j’y sois déjà. Il n’arrive jamais que je sois seulement ici en tant que corps enfermé en lui-même, au contraire, je suis là, c’est-à-dire me tenant déjà dans tout l’espace et c’est ainsi que je puis le parcourir…".

16 - LA PROJECTION

La projection se produit en une sorte de pulsation : envoi (émission) et retour (réception) ; le retour de projection nous permet, au sein de notre spatialité réceptive, de "sentir", ingérer, et de "ressentir", digérer. L'émission est préalable en tant que participant de la structure de l'espace en son énergie d'absorption ; elle est l'espace s'affirmant et la réception, l'espace se confirmant, sa preuve et sa justification pérenne ; la sensation se produit dans la réception contingente du retour de projection, lui-même contingent d'une projection. Par ce phénomène de projection propre à notre structure, nous nous "approprions l'espace" et étendons la spatialité de nos territoires. Mais notre projection est plus ou moins favorisée ou possible, selon la qualité des espaces induite par l'ensemble des rapports et des intensités des séquences de l'espace. En effet notre projection se module selon les séquences de l’espace. Dans les limites de l’emprise d’espace caractérisant notre accrochage, notre projection subit une aspiration qui crée par le phénomène d’intense focalisation une sensation d’ubiquité, en friction constante avec le retour de projection, et cela allant très souvent jusqu’à l’arrêter avant qu’il ne rejoigne notre plan de largeur (latéralité interne). Dans les emprises des étapes d’accessibilité notre projection se porte successivement en une démarche d’alternance sur les objets (droite gauche ou gauche droite). Au sein des étapes d’inaccessibilité, la succession se produit de manière différente et souvent plus linéaire. Quant à la dernière étape, notre projection marque un léger arrêt comme une hésitation avant de rejoindre l’absorption de la fuite. Dans l’immobilité la projection passe par la sensation du poids de notre corps - sensation qui établit un rapport de centre à centre avec la terre - centre de perception à centre d’attraction (attraction qui peut être comprise comme une densification de l’absorption), et dans le déplacement par une sensation latérale d’appui en côtoiement.

17 - APPROPRIATION DE L'ESPACE

L'appropriation de l'espace se fait en trois temps : - une appropriation "d'accommodation", plus passive et réceptrice, déterminant un comportement de posture et d'attitude ; en recherche de confort statique ; - une appropriation de "conquête", plus dynamique et émettrice, déterminant projection, trajet, action et prise de territoire ; - une appropriation "d'utilisation" par établissement de cycles répétitifs dont résultent le savoir-faire, les habitudes et les coutumes. Ces deux dernières s'établiront par le "marquage", affirmation de la trace (travail sur l'accrochage, lui donnant circonstanciellement le rôle d'ancrage), se délimiteront par le "bornage" (travail sur les étapes d'accessibilité) et s'illustreront par le "signe" et le "repère", ce dernier comme présence résonnante d'étapes d'inaccessibilité, voire parfois de fuite. L’ensemble concrétise la hiérarchie mnémonique de la prise de territoire et de la propriété. Ainsi, le traitement de l'appropriation et de la possibilité de prise de territoire se fera par l'étude et la détermination des accrochages, des étapes et de leurs transitions, et, suivant l'attitude ou l'activité envisagée, par l'importance à donner à l'ancrage et à la fuite.

18 - ÉCHELLES DE TERRITORIALITÉS

"ÉCHELLES" Les échelles peuvent s'évaluer de deux manières : soit en "contenance" (une chose est contenue dans une autre, passage de l'entité à son milieu ou contexte), soit en "gravitation" (relation de l'élément périphérique à la centralité). "TERRITOIRES" Nos territoires s'établissent dans quatre domaines différents qui sont déterminés par les rapports corporels et dimensionnels que nous avons avec les éléments de l'espace environnant, comme emprises de notre spatialité corporelle et de notre corporalité spatiale. "TERRITOIRE OBJET" L'objet est "l'entité" que nous pouvons tenir, porter, prendre. Il est prolongation de notre geste par extension, tel l'outil. Le territoire objet se prend sur toute entité indépendante déplaçable. Il est incorporation. "TERRITOIRE MOBILIER" Le meuble porte notre corps et supporte nos gestes, il en est l'expansion (tel le tabouret, la chaise). Sa mobilité le fera tendre vers l'objet, sa fixité (tel le praticable) vers le territoire architectural. "TERRITOIRE ARCHITECTURAL" Le territoire architectural est le territoire qui nous "contient", "permet notre déplacement coutumier" et surtout notre gestualité. Il n’est pas seulement construction mais peut s’étendre aux sites et aux paysages par leur aménagement et adaptation. "TERRITOIRE POTENTIEL" Le territoire potentiel est notre territoire projectif. Il est ce qui, ne nous étant pas accessible, en comporte la possibilité et cela en l'absence de rapport avec la masse de notre corps, mais souvent en liaison avec notre geste tel celui d'indication, de direction, de rituel... Au-delà de ces quatre échelles de territoires qui représentent des domaines "définis", il y a la "non-territorialité"; elle se manifeste dans notre nécessité d'infini, besoin de référence absolue (infini de masse, infini d'espace). Outre cette dernière, la présence de ces quatre échelles de territoire nous est indispensable. L'accentuation des unes et l'affirmation des autres, ou leur transgression, caractérisent et nuancent "tous nos modes de vie", et par ce fait nous en permettent l'établissement ainsi que l'approche et la lecture. "TERRITOIRES SENSIBLES" Les territoires sensibles se retrouvent à chaque échelle de territorialité. Nous pouvons les définir comme territoire d'intimité, territoire de rencontre et territoire d'aventure, en tant que "projections vitales" dans l'espace et le temps. "TERRITOIRE D'INTIMITÉ" Le territoire d'intimité, ou territoire d'assurance, d'appréhension dorsale, participe de l'appropriation d’accommodation, de l'échelle tactile et gestuelle de proximité. "TERRITOIRE DE RENCONTRE" Le territoire de rencontre, ou territoire de puissance, d'appréhension latérale, participe du parcours, de l'exécution, du travail et de la prise en compte en similarité de "l'autre". "TERRITOIRE D'AVENTURE' Le territoire d'aventure, ou territoire d'aspiration, plus frontal, participe du devenir, de l'intérêt, de la découverte et de l'invention à travers le constant besoin de nouveauté. Le passage d'un territoire à un autre se fait soit par l'extension, qui génère "l'usage", soit par l’expansion, qui induit la "possession" ou la "privatisation".

19 - L'INSTRUMENT

L'"usage", de par l'extension, détermine l'"instrument", et la "possession", de par l'expansion, définit les "emprises". Ainsi, avant d'être "emprise", l'architecture se doit d'être "instrumentale", dans son rôle dynamique de lien entre les territoires.

20 - GÉOMÉTRIES

Sensiblement, nous estimons, qualifions, quantifions les éléments contextuels selon trois dynamismes différents. Puisque concernant essentiellement le milieu terrestre, nous les comprendrons comme géométries : "mesures de la terre". Ces "géométries sensibles" sont les traces conséquentes de ces trois dynamismes, manifestations inéluctables de tout "programme" et de tout processus d'existence. "CROISSANCE" "Dynamisme" d'éclosion et de croissance se produisant dans la géométrie de croissance qui fait montre du programme dans la constitution et le développement des structures. "PROLIFÉRATION" "Dynamisme" de développement se manifestant dans la géométrie de prolifération et qui se produit dans la multiplication cellulaire soit en épanouissement soit en obésité, ou en encombrement. "ÉROSION" "Dynamisme" d'usure se manifestant dans la géométrie d'érosion, fonction conjuguée de la friction et du vieillissement. Chacune de ces géométries peut se connoter d'un aspect positif ou d'un aspect négatif, et se manifester de manière extérieure ou intérieure. Le passage d'une géométrie à une autre s'effectue dans le phénomène de foisonnement. "FOISONNEMENT" Dans le cycle, croissance-prolifération-usure, le passage d'une géométrie à une autre se produit dans le phénomène de foisonnement. Le foisonnement de la croissance au passage à la prolifération sera de nature éruptive, alors que celui de la prolifération au passage à l’usure participera de la saturation ; mais le passage de l’usure à une nouvelle croissance se produit par un phénomène intégralement inverse : la graine, phénomène de convergence des intensités, concentration inductrice de programme. Toute chose à partir de la naissance, par implication du temps, procède selon une croissance, un épanouissement, un vieillissement. Si donc les géométries prennent successivement, dans le déroulement existentiel d’une entité, leur intensité maximale, elles coexistent et se manifestent néanmoins constamment. En pleine croissance, une certaine prolifération déjà intervient, de même qu’une usure déjà se produit. Plus couramment, dans la croissance l’usure est neutre et la prolifération passive, dans la prolifération la croissance est neutre, l’usure passive, et dans l’usure, la croissance passive et la prolifération neutre. C’est dans ce triple rapport que se fait l’appréhension de la vérité d’une entité et de la réalité de sa situation. A la croissance, prolifération et usure précèdent la "gestation" tel le cycle complet des saisons. Mais lorsque l’une des ces géométries est relativement faible ou manquante au sein du processus, les phénomènes suivants se produisent : La croissance et la prolifération, avec peu ou sans usure tendent vers des phénomènes de luxuriance ou d’encombrement. La croissance ou l’usure, avec peu ou sans prolifération, vers un rachitisme. La prolifération et l’usure, avec peu ou sans croissance, tendent vers une désertification ou une carbonisation. Il est à noter que les tracés géométriques de type Euclidien se retrouvent particulièrement manifestés au sein de la croissance organique végétale et ainsi que dans certaines proliférations cristallines.

21 - STRUCTURES

"ENVELOPPE ET RAMIFICATION" De même que notre propre organisme, l’ensemble des éléments ou êtres qui nous entourent se structurent soit en "enveloppe", déterminant une contenance et une limite de celle-ci, soit en "ramification", extension et arborescence occupant l’espace, sans le séparer ni le diviser. Ainsi, l’animal se définit spatialement en enveloppe par son épiderme dont dépendent ses ramifications, intérieures dans tous ses systèmes organiques et extérieures dans son système pileux, ses membres, son mouvement. A l’inverse, le végétal, à l’exception du fruit et de la graine, se comporte dans l’espace essentiellement en ramification, à laquelle est asservie sa structure d’enveloppe extrêmement réduite (l’écorce et la feuille en sa frange). Ces deux structures sont constamment en toutes choses dans un "rapport de nécessité" mais avec prédominance de l’une ou de l’autre ou l’une mise au service de l’autre, déterminant ainsi la nature introvertie ou extravertie des entités nature obéissant aux géométries. Ces deux structures sont écritures de l’architecture dont elles sont "l’essence" et, par leur traitement, elles y trouvent leurs caractéristiques et spécificité. Ainsi, devons-nous savoir "doser" l’importance à leur donner, ces structures étant parmi les composantes de la "signification spatiale". Le passage de la ramification à l’enveloppe ou de l’enveloppe à la ramification stipule en un changement d’échelle vitale le phénomène d’échange et, au sein de celui-ci, le phénomène de nutrition.

22 - INTERVALLE ET INTERCALAIRE

Si l'espace est le pouvoir que tout point soit centre, ce pouvoir ne peut être manifeste qu'au sein de son essence de disponibilité et d'accueil. C'est en cela que l'intervalle est, en l'espace, constante nécessité et l'intercalaire, ponctuelle utilité, dans la mouvance obligatoire du programme, de maintenance et de régénération. Ainsi, l'ensemble se ressent en potentiel et son écart, en calage, instituant l'appréhensible éventualité et le mnémonique accident. De l'éventuel en tant que pressentiment procède la connaissance, et de l'accidentel en tant qu'impact, la mémoire.

23 - INTERNE ET EXTERNE

L’interne impliquant la présence de l’enveloppe, l’externe la possibilité de ramification, induisent l’obligation de transition, soit en friction, soit en osmose pour le maintien d’une continuité ou d’une mise en rapport. Ainsi, l’épiderme, limite de contenance du corps et porteur de sensorialité au sein de laquelle l’intervalle entre la perception d’un sens et son enregistrement apparaît comme un espace intercalaire. Par cela, le dynamisme des géométries sera aussi interne et externe. La croissance interne se rapproche de la gestation et la croissance externe tend vers la prolifération, l’épanouissement. La prolifération interne, soit confirme l'acquis, en tant que répondant symétrique de l'impact du programme, soit, par excès, développe l'obésité. La prolifération externe, restant reliée à la croissance est phénomène d'épanouissement et d'abondance et, déliée de la croissance, phénomène d'encombrement. L'usure interne affecte la cohérence de l'entité ; l'usure externe en affecte la forme et sa relation à l'environnement.

24 - MODES DE DEVELOPPEMENT

Dans la "structure d'enveloppe", seules l'expansion et l'adjonction peuvent être développement spatial. Dans la "structure de ramification", le développement, toujours dirigé, se produit au sein de plusieurs modes : - l'extension ; - l'embranchement, déviation directionnelle ; - l'enchaînement, mouvement qui participe de la ligne mélodique ; - la succession répétitive, qui peut être inductrice de rythme ; - la proportion, qui par réflexivité peut produire l'harmonie ; - le bondissement ou enjambement, qui peut définir la mesure, la métrique. Reste le phénomène d'émanation qui, procédant d'une ramification diffuse, est une projection environnante et substantielle, trace extérieure des transformations internes de l'entité.

25 - SYMÉTRIE ET ÉQUILIBRE

"SYMÉTRIE" La symétrie, synthèse des mesures et mesure synthétique, se ressent intensément par notre corps dans l'intime de ses structures et de son équilibre. Elle "imprime" toutes nos perceptions et nos projections. La symétrie est à la fois : 1. Mesure statique de la similitude formelle et de l'équivalence (symétrie directe et comparative). 2. Mesure dynamique, dans le mouvement, de "l'alternance" (symétrie d'alternance). 3. Mesure confrontative, dans les efforts et les forces manifestées, de "l'inversion" (symétrie d'inversion). 4. Mesure intensive, dans l'impact et l'aller-retour, de la réflexion (symétrie réflexive). 5. Mesure analogique, dans la nature énergétique des choses, de la "compensation" (symétrie de compensation). Mesure synthétique, la symétrie est mesure du rapport des choses entre elles, "de leur relativité", et s'oppose au fait de mesurer selon un étalon qui isole l'élément quantifié et le sort de sa matière et de son contexte. "ÉQUILIBRE" L'équilibre est la symétrie "sentie dans son rapport interne" (fléau de la balance), son intériorité médiatrice ; c'est en cela qu'il en est la justification. L'équilibre se trouvant dans toutes les acceptations de la symétrie est intensément vécu dans un constant rapport entre déformation et reformation, désordre et ordre, désorganisation et organisation, comme unique facteur de "cohésion" au sein du processus de maintenance. En cela, la catastrophe apparaît comme moment (coupe) du phénomène d'équilibre et l'accident, comme croisement de symétries.

26 - FORME ET ESPACE

La forme se comprend comme "limite d'espace". En ce sens : là ou commence la forme se termine l'espace. Toute forme est une discontinuité en tant que limite entre deux densités de matière. Elle isole et s'isole et ne peut avoir de rapport avec d'autres formes qu’en tant que rapport de cession, voire de succession, rendant l'espace résiduel. Eminemment circonstancielle, la forme apparaît comme introduisant le temps dans l'espace, lui-même perçu comme la potentialité de toute expansion, extension ou ramification associée à tout phénomène de concentration. Surface limite, elle sera, soit entourée d'espace, pouvant alors le définir sans l'asservir, soit enveloppant l'espace et l'emprisonnant dans l'exclusion de la séparation d'un intérieur vis-à-vis d'un extérieur. Ainsi le formel, rupture entre l'extérieur et l'intérieur, est destruction d'osmose et de transition. Travailler la forme afin qu'elle devienne osmotique et transitionnelle, c'est la spatialiser, éviter son isolement, c'est l'intégrer par la préoccupation de mouvement, de rythme. De même qu'il nous est difficile d'appréhender notre propre forme, puisque constamment nos mouvements la déforment, la forme, statique par définition, disparaît lorsqu'elle se dynamise et devient organique, c’est-à-dire lorsqu’elle rentre dans le mouvement de l’espace, qu’elle est de concert avec lui ; elle devient alors "compagne de l’espace" et parfois son tremplin.

27 - LA LIGNE

La ligne comme trace, mémoire érosive, participe de l’espace ; mais en tant que "limite de surface" (profil, silhouette), elle appartient à la forme ; et en en étant son extrême, c’est par elle que la forme prend plus fortement sa "définition" sensible dans l’effet de crête. Ainsi, l’appréhension de la forme se fait tangentiellement par glissement jusqu’à la limite de la ligne qui devient alors l’ultime parcours latéral, et par cela se rapporte donc plus particulièrement aux latéralités. Dans cette acception, elle est l’intermédiaire entre l’espace et la forme pouvant participer tant aux deux qu’à l’un ou là l’autre et devient leur moyen d’expression et de retranscription. Un travail libre d’espace ne peut se faire à partir de la forme ; celle-ci doit résulter de l’espace, "être à son service", et non l’espace résulter de la forme. La forme est avarice ; la forme ne génère pas, elle ne peut que s’accumuler ; mais elle peut induire lorsqu’elle résulte de l’espace, pouvant devenir, alors, site frontière, ligne frontière.

28 - SITE FRONTIÈRE

Un site "frontière" est un lieu de rencontre et de friction entre deux mouvements qui engendrent inéluctablement des éléments et des événements intermédiaires. De l’ensemble résulte "l’intensité" dont le site frontière est porteur. Etant donc lieu d’intensité, la vie s’y implante en préférence et s’y développe en fonction des "degrés d’intensité", de réceptivité et de sensibilité qui lui correspondent.

29 - MATIÈRE ET ESPACE - MASSE ET ESPACE - HIÉRARCHIE DES PERMANENCES

Ni la sensation de masse, ni celle de matière ne sont afférentes à la forme. Elles restent elles-mêmes des qualités sensibles, tangibles de l’espace qui nous indiquent "le degré de permanence" des éléments constituant un lieu ou une entité. Elles nous permettent ainsi de "hiérarchiser" ces éléments, du plus permanent au moins permanent, afin de déterminer le caractère principal et la vocation de ce lieu ou de cette entité. Cette hiérarchie est particulièrement importante à établir dans la lecture d’un site et d’un programme, afin de mettre les constituants de chacun en correspondance et en résonance. Elle est agent d’expression et de signification.

30 - LES RÈGNES SENSIBLES

Nous ressentons notre contexte en plusieurs règnes qui définissent la relativité de notre situation d'entité terrestre : - le règne souterrain, qui nous apparaît comme le plus permanent dans sa masse, - le terrien ou écorce terrestre, contenant le règne organique, que nous percevons comme moins permanent, mais continuel dans la pulsation et l'alternance de la vie et de la mort, du jour et de la nuit, de l'inspire et de l'expire, écorce de transition entre la masse souterraine et son émanation, l'atmosphère. - l'aérien, plus impermanent, constant dans son immensité, - le sidéral, comme permanence et rythme supérieur et éternel dans lequel nous sommes inclus. Harmoniser ces règnes fut de tout temps la préoccupation humaine et le reste toujours dans l'acte architectural. En comprendre les rapports permet l'appréciation des sites et des lieux tels l'ancienne, mais toujours en vigueur, science chinoise du Feng-shui.

31 - LES FIBRES DE L'ESPACE

L'espace terrestre est l'interpénétration et l'intégration de ces règnes et apparaît tel un tissage ; par cela nous le vivons en tant que structure fibreuse. Tant nos déplacements que nos actes de marquage sont des prises en compte de ces fibres. L'architecture est l'art de les accompagner, de ne les couper que dans certains cas, de les renforcer, de les compléter, souvent de les accentuer dans leur direction, voire même parfois, de les créer c'est-à-dire de les manifester lorsqu'elles ne sont que potentielles. Ainsi ces fibres sont pour nous de trois réalités : - naturelles, d'intensité plus ou moins grandes, - potentielles, pouvant accueillir et permettre un nouveau marquage, - artificielles, provenant en général de l'ouvrage humain, tel l'urbain trop souvent manifeste de leurs ruptures et en rupture avec les naturelles.

32 - DEGRÉS DE PÉNÉTRABILITÉ
ou
LES QUATRE ÉLÉMENTS

Ces fibres se manifestent au sein de divers éléments appelés traditionnellement terre, eau, air, feu, que nous ressentons par leurs degrés de pénétrabilité : la terre, impénétrable, qui de ce fait nous sert d'appui ; l'eau, pénétrable, pour nous peu hospitalière, mais qui nous est constituante et nutritive ; l'air, notre milieu de vie, par excellence pénétrable, et qui nutritivement nous pénètre ; le feu, ou le vibratoire, que nous pénétrons, certes, mais surtout qui nous pénètre. Au sein de l'organisation première de ces degrés de pénétrabilité, structures de vitalité, de par nature, l'architecture se doit d'en être le reflet analogue et exalté.

33 - LES ORIENTS

De par nos sens, l'espace est anthropomorphique. Par cela, besoin est qu'il soit dirigé (les séquences de l'espace) du fait même que nous sommes dirigés (spatialités corporelles). Cela constitue la matière même de nos repères dont les principes sont les "orients". Nous orienter représente l'emploi le plus global et synthétique de nos facultés ; sans orientation, la vie n'est pas. Et l'orientation, à l'instar de nos corporalités spatiales, institue quatre directions que nous nommerons selon les termes géographiques : nord, sud, est, ouest. Les orients sont déterminants d'échelles et nous les révèlent, échelle de contenance, échelle de gravitation ; ainsi, par exemple, l'orient de l'individualité terrestre est le nord. L'orient gestuel de la terre est l'est, puisqu'elle tourne de l'ouest vers l'est. L'orient solaire et horaire est l'ouest. Et l'orient nous révélant le déplacement de la terre autour du soleil est le zodiaque. Toutes les différentes échelles vont résonner en chaque lieu ; chaque lieu comporte lui-même ces échelles, et sa propre échelle d'orient lui détermine son propre nord, son est, son ouest, et par voie de conséquence son sud. Celle-ci, dont l'appréciation se fait principalement par notre sens thermique et par la thermicité de nos autres sens, nous révèle une part du règne souterrain et du règne terrien. Les séquences de l'espace représentent une autre échelle d'orients qui elle, nous révèle pour partie le règne du terrien et de l'aérien.

34 - DYNAMISME DE L'ESPACE

Les dynamismes de l'espace sont ressentis, à l'instar de nos propres dynamismes projectifs, comme étant essentiellement de deux natures : une dynamique centripète et une dynamique centrifuge, produisant les phénomènes de concentration ou de dispersion, de compression ou de dilatation, de contraction ou d'expansion, de rétention ou d'extension, qui par leur jeu produisent les phénomènes de gravitation, induisant les sensations de proximité et d'éloignement.

35 - AMBIANCE - PRÉSENCE

Par nos sens nous appréhendons toute entité de deux manières différentes, soit en "présence", c'est-à-dire en isolant et cernant l'objet et ne percevant que lui - et cela en général par un seul de nos sens, permettant par cette restriction la référence à quelque étalon -, soit en "ambiance", c'est-à-dire en percevant moins l'objet lui-même qu'essentiellement son "rapport" avec le contexte, son insertion dans le milieu et la polarisation qu'il apporte. L'ambiance ne peut être vécue que par une mise en syntonie de plusieurs de nos sens, une synesthésie qui entretient elle-même temporairement une "résonance" entre eux.

36 - OBJET ET RAPPORT

La réalité sensible de toute existence ne peut être que par la perception de son rapport entre nous, elle et l'environnement, c'est-à-dire par "l'ambiance" avant que sa "présence" ne nous apparaisse ; mais notre culture et l'éducation y afférente inversent ce processus par une transmission basée essentiellement sur le schéma, qui se réfère principalement à la présence et ne tient compte ni de l'environnement ni de sa perception, c'est à dire de l'homme. Ce triple rapport est interaction ; notre présence en un lieu modifie le lieu, notre observation même des choses les plus éloignées est intervention et modification de contexte, et le contexte nous conforme. Ainsi l'architecture est moins édifier des lieux pour l'homme que construire l'homme. L'architecte devra déterminer en toute première intention, les qualités d'ambiance des espaces à aménager et définir progressivement la présence des objets constitutifs de ces espaces en gardant, évidemment comme "essentiel", la cohérence entre eux. Une fois ces objets réalisés et mis en place, l'œuvre ou la construction achevée, ils ne doivent plus alors être perçus apparents en tant que tels, mais seules les ambiances envisagées doivent être la réalité vécue. De même que la forme est au service de l'espace, la présence se doit d'être au service de l'ambiance, de sa qualité et de son intensité en tant qu'accent. Ainsi sont différentes natures de présence au sein des ambiances, les unes en accompagnement, les autres en discordance. Celles en accompagnement, en accent, soulignent en polarisant et souvent, rythment. Celles en discordance, rupture d'ambiance, focalisent, créant une stridence souvent à tendance agressive, outil pour montrer et impressionner en théâtralisation, outil publicitaire.

37 - APPARENCE ET RÉALITÉ

L'apparence est l'entité perçue en tant que telle et la réalité la perception du rapport de l'entité à son contexte. La relation neutre de la réalité et de l'apparence est apanage de l'espace, mais sa neutralité vis à vis de l'apparence n'est pas la même que celle vis à vis de la réalité en ce sens que pour la réalité sa neutralité sous-tendra le lien et que, pour l'apparence, elle confortera l'isolement et la séparation. Pour ce fait même, il semble que la perception de l'apparence par nature passive, tend à limiter celle de la réalité alors que la perception de la réalité active l'apparence en la transcendant. La perception simultanée des deux représente une activation de l'espace à travers une friction, et une intensité, mise en résonance de la présence et de l'ambiance. La présence participe de l'apparence et l'ambiance de la réalité. La présence peut pourtant être émanente mais seulement lorsqu'elle est en accord ou en résonance avec l'ambiance. L'apparence développe le constat qui par sa coupure d'avec la réalité, en sa nature mnémonique, tend au fantomatique. Ainsi en architecture, tout travail basé principalement sur l'apparence réduit, voire détruit, la possibilité d'accueil de la complexe réalité du vécu.

38 - LES MODES D'APPROCHES

"ZONES ET LIMITES" Emanant du déplacement, l'approche d'un lieu, d'un objet ou d'un être, suscite nos sens de manières différentes au fur et à mesure que la distance diminue. Quatre zones se distinguent et se délimitent avec précision. "ZONE D'INTÉGRATION" Tant que le lieu, l'objet ou l'être dans l'éloignement sont perçus comme "partie intégrante" du contexte et comme un "accent" de ce contexte, se définit la zone d'intégration ; celle-ci commence à "la limite d'intégration", c'est-à-dire dès la première perception. La "zone d'intégration" se limite, dans le rapprochement, à une frontière précise, "limite de présence", lorsque le lieu, l'objet ou l'être, captant plus notre attention, devient une entité présente, s'isolant du contexte. "ZONE DE PRÉSENCE" Commence alors la "zone de présence" qui, elle, la distance se réduisant encore, s'arrête à la "limite de pénétration" et cela au moment où la masse de l'entité disparaît à notre perception au profit, pour le lieu ou l'objet de ses interstices, de ses percements, de ses vides, et pour l'être, de ses expressions ou attitudes, en lesquels nous nous projetons et enquêtons. "ZONE DE PÉNÉTRATION" Nous sommes alors dans la "zone de pénétration". Puis plus proche encore, à la "limite d'incorporation", se produit la "ZONE D'INCORPORATION" où nous nous ressentons englobés par le lieu et incorporés à l'objet ou à l'être. Ces différentes zones s'appréhendent aussi bien dans l'approche que dans l'éloignement. Mais dans les deux cas, elles se connotent différemment et leurs limites dans l'éloignement coïncident rarement avec celles de l'approche, puisque nous n'avons pas le même type de perception frontalement et dorsalement. Particulièrement en ce qui concerne les zones "d'incorporation", de "pénétration" et de "présence", l'appréhension dans l'éloignement nous permet de ressentir les degrés d'intensité d'émanation, "l'aura" ou atmosphère - rapport d'existence de l'entité dont nous nous écartons.

39 - LES MODES D'ADHÉSION

En perception d'ambiance, nous manifestons nos différentes mises en situation spatiales par le phénomène d'exclamation qui ne peut se produire qu'à travers une adhésion de notre part, résonance d'analogie à la qualité spécifique et intrinsèque d'un contexte. Cet acte d'adhésion se fait principalement selon quatre modes qui, dès notre enfance, nous sont familièrement définis par les contes, fables et légendes, sur lesquels ceux-ci sont "construits". Ainsi, le "merveilleux", le "féerique", le "fantastique" et le "mythique" qualifient tous nos rapports et sont pour nous repères d'appréciation. "MERVEILLEUX" Le mode "merveilleux" représente notre participation à un contexte en tant que partie intégrante et intégrée. Celui-ci nous incorpore et nous l'incorporons. Les spatialités corporelles sont également et globalement concernées. "FÉERIQUE" Le mode "féerique" correspond à un changement d'ambiance, une transformation, à un seuil, un point ou un plan d'inversion. Il est précision comme est précise la pointe de la baguette magique de la fée. Il s'adresse plus à nos latéralités, en les reconcentrant, qu'à notre frontalité et notre dorsalité. "FANTASTIQUE" Le mode "fantastique" se manifeste dans notre confrontation à un contexte ou une entité, il est notre prise de mesure face à ce contexte et affecte essentiellement notre frontalité et notre équilibre. "MYTHIQUE" Le mode "mythique" introduit la permanence et le non-dimensionnement, incommensurable, et peut parfois se produire à travers les trois autres modes. Il résonne en nous le plus fréquemment dorsalement, en tant que racine, latéralement en exaltation et frontalement en inspiration. Nous vivons constamment ces modes d'adhésion à des degrés d'intensité divers. Ils nous permettent d'estimer des ambiances de vie en tant que lectures ambiantes de sites, de programmes, d'événements ; et cela de manière tant positive que négative, en facteurs d'agrément ou de désagrément, dans la consistance du présent.

40 - RAPPEL ET PRESSENTIMENT

Toute existence étant point d'inversion entre le passé et le futur, le vécu en apparaît comme "l'intervalle" et la "transition". Cet intervalle se délimite d'une part, par nos capacités de rappel et d'autre part, par celles de pressentiment, capacités par lesquelles nous vivons tant le temps que l'espace. Faire pressentir est permettre la découverte ; sans le pressentiment se produit la surprise et celle-ci nous "prend au dépourvu", alors que la découverte nous "pourvoit". Si nous nous rappelons, acte de remise au présent, c'est pour nous faire pressentir, car tout pressentiment s'appuie sur un rappel, s'évoque à partir d'un certain "déjà vécu", qui ouvre à l'éventuel. Le rappel et le pressentiment sont effectifs de "cohérence" dans leur mise en accord et leur effet de transition.

41 - LES TEMPORALITÉS

De même que nous adhérons à l'espace selon quatre modes, le temps "se matérialise" sensiblement de quatre manières. De ce fait, nous vivons presque toujours le temps de façon discontinue, passant d'une "temporalité" à une autre. Ainsi s'appréhendent : L' "INSTANT" ou le temps "instant", dans une constante immédiateté, temps de présence perceptif et attentif, en tant que durée, en renouvellement, car en permanente possibilité de cessation. LE "DÉROULEMENT" ou temps "déroulement", dans la succession des événements, comme temps projectif et temps de parcours ainsi que temps de finalité, causal et conséquent, temps stratégique en tant que durée d'enchaînement de circonstances. LE "CYCLE" ou temps "cyclique", dans la répétition des situations et des événements, comme temps de mesure et de rythme", temps de repère, aussi bien de la mémoire que de la prévision en tant que durée d'établissement définissant l'échelle phénoménologique. L'ÉTERNITÉ ou temps "éternité" dans la constance et la permanence comme durée que sensiblement nous ne pouvons mesurer, référence du "définitif" et de "l'infinitif". Au temps "éternité" peut s'adjoindre l'instant ou le cycle, mais en aucun cas le déroulement. Concevoir l'espace est aussi concevoir le temps de vie dans ses quatre temporalités ; organisant des lieux pour la vie, on détermine pour autant le vécu du temps. De chaque qualité d'espace dépendra une substanciation de temps.

42 - LA TRACE ET LE TRACÉ

Le tracé, étant la mémoire d'un mouvement, le résultat d'un "trajet", l'impact d'une direction, s'imprime dans "l'intensité et la précision" du jet et du parcours, et pour nous, du déplacement et plus particulièrement du geste, voire parfois de la volonté gestuelle dont il procède et conserve l'expression, soit au moyen du trait, de la marque, soit de l'impact successif (pointillé). Tout trajet présuppose jet et projet. Le jet implique la direction, le projet, l'intention, le programme. Ainsi, se différencie quatre sortes de tracés : le tracé d'organisation, se référant au programme, en établissement de signes. le tracé de définition, outil d'explication et de développement, dont participe l'écriture. le tracé d'analogie, exprimant l'événement en rapport au contexte : soit la situation (l'idéogramme, le hiéroglyphe), soit l'ambiance. le tracé de reproduction ou de représentation de la forme par sa limite (profil, silhouette). Par le tracé s'établira : - soit l'indication d'un mouvement, - soit l'instauration de succession ou de rythme, - soit un marquage de frontière et de séparation, Le tracé peut se virtualiser en se spatialisant et s'exprime alors dans le phénomène d'axe, implication de symétrie et d'équilibre. L'axialité est significative d'intention et déterminante d'organisation. La trace est mémoire. Une trace suppose le trajet et l'impact d'un objet, et donc l'existence d'une masse, matière ou substance en laquelle elle s'inscrit et perdure. La trace se produit en deux impacts ; l'un externe par dépôt, superposition, l'autre plus interne, par pénétration, en gravure ou usure. Si l'observation de la trace nous permet de reconstituer au moins partiellement le trajet (symétrie réflexive) et trouve ainsi son utilité et sa nécessité dans le phénomène de souvenir, le passé ne nous active réellement qu'en tant que rappel de programme.

43 - PROGRAMME

Le programme est travail instituteur de "maintenance" dont il établit la "grammaire". En ce sens, le programme diffère de la stratégie qui se place, de par sa finalité, dans l'événement et l'éphémère.

44 - MÉMOIRES

Ainsi deux sortes de mémoires se distinguent : - mémoire de programme, spécifique et projective ; mémoire de rappel ; - mémoire événementielle, accumulative et historique ; mémoire de souvenir ;

45 - INDIVIDU ET ESPÈCE

De cette manière se définit le passage de la sensation "d'individu" à l'appréhension de "l'espèce", passage d'une échelle à une autre dans le phénomène de "contenance". L'espèce est programme. L'individu est destin, et apparaît comme stratégie de l'espèce. Pour l'individu, l'espèce est devenir et elle est ressentie comme éternelle, sans usure ; l'individu s'appréhende lui-même mortel, impliquant en lui croissance, prolifération et usure. A son niveau la mémoire de programme participe de l'identité, lui permettant d'identifier et de s'identifier, de reconnaître et de se reconnaître, et lui donnant la possibilité de l'apprentissage ; la mémoire événementielle induit récitativement l'anecdote, l'éclectisme, et exhorte à l'imitation.

46 - COHÉRENCE ET NÉCESSITÉ DE L'INCOHÉRENCE

Etablir par exemple, que le regard est nécessaire à l'objet vu et que réciproquement, il le construit, le nourrit, le crée en même temps et pour autant qu'il le perçoit, c'est poser le rapport d'indispensabilité, qui est rattrapage de l'incohérence en symétrie de compensation. L'incohérence permet l'existence des entités qui en elles-mêmes sont des manifestes de la cohérence ; mais la cohérence, elle, retour à l'origine, ne peut admettre en son extrême qu'une seule et unique entité. L'espace qui permet et inclut toutes les incohérences est pourtant lui-même, par excellence, processus de cohérence en tant que lien absolu. C'est, dans l'action d'annihiler les effets du temps, le phénomène de diffusion et de concentration, de désintégration et réintégration, de respiration, de pulsation allant jusqu'à la vibration et l'onde. Une onde se développe en incohérence. Et la rendre "cohérente", c'est la faire devenir entité ou rejoindre une entité (projection et retour de projection). De même, nos perceptions se produisent dans l'incohérence. Et tendre à les rendre cohérentes, c'est tendre à la création utile d'une entité sensible percevante : un corps sensible, prolongation de notre corporalité spatiale.

47 - L'ACTE DE PROJET

L'acte de projet, par la tentative de mise en cohérence qu'il exige, nous est "indispensable", puisqu'il se produit par la synthèse des mesures du vécu ; il est symétrie de notre vécu et, en tant que tel, il est la réelle et complète utilisation de notre sensibilité, au sein de nos structures corporelles et spatiales. Le projet est notre capacité transformatrice, voire notre raison, de "spatialiser le temps" et le vécu, notre capacité de "temporaliser l'espace". L'acte de projet nous présente en tant que jonction active et génératrice entre l'espace et le temps, ces deux infinis sensibles dont nous sommes centre, et que nous centrons. Par cela même, l'acte de projet est organique. Il représente notre pouvoir de "sécrétion" qui découle de nos "exigences", de leur mise en résonance et dont il est le résultat dans sa manifestation d'intention et de direction. L'acte de projet se concrétise donc par "l'évidence", qui sera fonction de la qualité et de la quantité de nos exigences. L'évidence manifeste le "principe" et conséquemment la "loi", application d'un ou plusieurs principes. Etablir la loi d'un projet est lui donner "sa propre volonté", son existence en tant qu'être indépendant de nous, et prenant son développement à travers nous ; c'est lui donner une vie en soi, c'est "créer". Ainsi le travail de l'architecte se trouve être de la même nature et dépend de la même humilité que celui du paysan qui, connaissant la terre, la travaille, choisit la graine qui lui convient, la plante et veille à son éclosion et au développement de l'arbre. Au sein de l'utilité durable, tous les deux se doivent de procéder de la "stricte indispensabilité".

48 - LES EXIGENCES

L'exigence est le rappel du déjà vécu à travers le degré de notre sensibilité, associé au potentiel de bien-être ressenti et à ressentir. L'exigence, "ancrage de l'être", définissant tant nos directions que nos comportements est, vis-à-vis de nous-mêmes, incitatrice de générosité et donc de liberté. Inversement la morale et la mode sont vis-à-vis des autres, créatrices de conformisme et de contraintes, mimétiques. Les exigences sont déterminantes de l'acte de projet et les établir précisément, les hiérarchiser clairement, en faire le répertoire et en dresser le "catalogue" permet de définir tant les ambiances souhaitées que les éléments les permettant ; elles constituent le champ propre du projet; Outre notre sélectivité circonstancielle, des exigences découle la possibilité de lecture et d'interprétation de site et de programme. Et lorsque par elles se sécrètent nos intentions, celles-ci sont dans la détermination pure de justesse et donc de beauté. Cette lecture double, qui met dans un rapport "d'analogie" le site et le programme, nous donne naturellement le pouvoir de mettre en espace, par la prise en compte de l'ensemble des repères et critères sensibles.

49 - MORPHOLOGIE SCHEMATIQUE DU PROJET

"PRINCIPE" Par les repères et critères sensibles développés en nous se font l'appréhension et l'analyse du milieu, du site et du programme, qui, au travers de nos exigences, déterminent nos options, c'est-à-dire le ou les "principes" donnant la ligne "mélodique" de l'intention. "LOI" A partir des principes nous devons établir la mise en contexte, la "loi" du projet, voire, pour l'architecture, le mouvement de l'espace dans sa profondeur, qui en fait "rythmiquement" sentir la disponibilité et l'accueil, au sein desquels s'affirment l'organisation. "RÈGLE" De la loi découle la "grammaire expressive, la "règle", par la "géométrie de tracé", qui définit dans l'architecture les dispositions et les dimensions, ainsi que les techniques et les matériaux, et ceux-ci en manifestent, dans le rappel et le pressentiment, la cohérence et "l'harmonie". "TRAME" Enfin s'établit la "trame", tempo relationnel d'efficacité qui, pour l'architecture, est mesure de la tactilité et du temps vécu et qui y offre la possibilité "métrique" de l'appropriation, du bien-être, du confort.

50 - SPACIOSITÉ

Du fait que la "dimension" représente l'intervalle entre deux limites et la "distance" entre deux étapes, la spaciosité, incantation d'infini, est l'épanouissement de toutes les possibilités de la dimension et de la distance, par la reprojection du fini à l'infini et de par ce fait, la justification des étapes c'est-à-dire "l'exorcisme" à la fois de l'exiguïté restrictive et de la distension, en l'énergie spécifique de l'entière générosité qui permet l'exact équilibre de la création. En ce sens, la spaciosité apparaît comme la juste amplitude de projection et de mouvement, telle la réalité de la danse. C'est pourquoi, en architecture, la spaciosité est générée par la continuité de l'espace manifesté dans le mouvement, aide à la projection, et par la mise en rapport équilibré de l'infini de masse et de l'infini de l'espace, dans l'établissement cohérent des séquences de l'espace, dosant la relativité des distances et des dimensions, qui permet, et d'harmoniser le geste et le déplacement, et l'appréhension naturelle des entités et de leurs auras en une légitimité sensible.

51 - LE PRINCIPE DE NOUVEAUTÉ

Il est dit que : "Avant que le ciel et la terre n'existent...tout était déjà nouveau" Et le ciel et la terre sont sites d'intensification de la nouveauté L'existence et la vie ne sont que régénérescence constante à laquelle nous nous devons de participer, dans la mesure où il est urgent de vivre. Ainsi est "l'acte de projet" en ce qu'il procède de la transformation générante, et qu'il s'applique à confirmer, non pas un apparent déjà établi, "une mode", mais la nécessité de l'événement nouveau, inventé, au sein du programme de maintenance spécifique. Il se doit d'enrichir, par la trace nouvelle qui en résulte, la mémoire justifiant le parcours, le trajet, le mouvement, qui manifestent le changement permanent du rapport entre l'entité et le contexte, et qui eux-mêmes se transforment par lui, en perpétuelle nouveauté. De même qu'à chaque printemps, la plante, par les feuilles et les fleurs nouvelles, se recrée nouvelle, tout se nécessite "nouveau" par la nouveauté de l'apparition constante de ce qui est "préalable". La véritable nouveauté est une lutte contre l'usure, appliquée moins à l'espace, qu'au temps qu'elle tente d'épuiser. En effet la nouveauté du temps est circonstance et effet de surprise, la nouveauté de l'espace est génération et régénération. Bien que mesure de durée, la respiration est la constance de la nouveauté. Le parcours de l'espace se fait toujours en nouveauté alors que celui du temps ne l'est que lorsqu'il se spatialise "dans le fait que toute exigence lui apporte l'espace". Plus le préalable est originellement préalable, plus la nouveauté se maintiendra nouvelle, participant de la "géométrie de croissance". Il y a symétrie entre le préalable et le nouveau, le préalable étant ce qui régit le possible. Le préalable de l'être n'est que pour être devant, innovant. Ainsi pour nous, apprendre dans l'acte de comprendre, est réinventer, et l'invention est fille du "principe de nouveauté".

52 - LOI DE DIFFÉRENCE

Etant nouveau, chaque instant est différent comme l'est chaque respiration. Bien qu'il soit évident sensiblement que deux contextes, deux sites, deux situations soient inéluctablement différents, nous nous affairons inlassablement à en rechercher les similitudes, qui ne sont vraiment que ressemblances approximatives et artificielles. Les seules et indispensables constantes, qu'il nous faut connaître, sont du niveau de la spécificité programmique, qui nous permet d'appréhender la "pérennité de nature" ; appréhension qui se transcrit dans l'analogie. Dans l'acte de projet, la répétition ou l'imitation sont sclérose et génératrices d'inadéquation et d'inutilité. Car la différence est suscitation et nourriture de notre sensibilité ; elle en est la sauvegarde dans le retour à la nouveauté qu'elle incite. "La loi de différence" est, dans la mesure où nous en tenons compte, notre principale aide à être toujours nouveau, aussi bien dans la projection que dans l'acte, c'est-à-dire notre aide à vivre. En ce cas, chacune de nos productions sont marques de la "différence". C'est en ce sens que la "Tradition" au-delà des traditions est réellement renouvellement permanent et ne peut s'entendre qu'en réinvention et innovation constantes ; aucunement, elle ne peut être interprétation, traduction ou remise en vigueur. Il en est de même de la "Religion" au-delà des religions, de la "Civilisation" au-delà des civilisations, de la "culture" au-delà des cultures. L'homme donne la terre à ce qu'il perçoit, et l'architecte donne la terre à l'espace et quelque intensité à l’espace de la terre, par l'aide à vivre qu'il apporte.

53 - LA RÈGLE DE L'ORTIE

Il est de nature que le contact de la feuille d'ortie donne une exacerbation de la durée de la tactilité et que de s'y frotter souvent provoque à la longue une "mithridatisation" qui nous induit, soit à nous immuniser, nous confortant dans le déjà subi soit à nous vivifier par le passage au-delà de la saturation. A cueillir l'ortie, il est de choisir comment être brûlé. RAPPEL THÉRAPEUTIQUE POUR VOTRE CONFORT TEMPOREL La brûlure de l'ortie se soulage largement par notre sécrétion salivaire appliquée et bien étalée.
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